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Edito

Alain Daniélou en version numérique

L’année 2011 se termine par une bonne nouvelle pour la Fondation Harsharan — Centre d’Etudes Alain Daniélou. Ehud Sperling, le PDG fondateur d’Inner Traditions International, éditeur américain parmi les plus importants dans le monde anglo-saxon pour les religions et la spiritualité, a tenu parole. Ainsi qu’il me l’avait promis avant l’été, sa maison propose désormais tout son fonds Alain Daniélou en version e-book. Les lecteurs de Daniélou en langue anglaise, où qu’ils résident dans le monde, pourront donc, par un simple clic, disposer en quelques instants de livres aussi importants que Myths and Gods of India, the Hindu Polytheism, ou Virtue, Success, Pleasure and Liberation, Traditional India’s Social Structures.
Ces derniers mois, les éditions Fayard, à Paris, avaient fait de même avec deux titres, L’histoire de l’Inde et Shiva et Dyonisos : la religion de la nature et de l’eros – De la préhistoire à l’avenir, désormais tous deux disponibles en forma Kindle.
Ces deux initiatives participent d’un même grand chantier encouragé par la Fondation et qui devrait totalement se concrétiser en 2012 : la numérisation de l’intégralité de l’œuvre d’Alain Daniélou. Sont déjà en cours de numérisation en français les trois pièces du Théâtre de Harsha ainsi que le Chemin du Labyrinthe et divers autres textes d’Alain Daniélou aujourd’hui introuvables. Tous ces documents se retrouveront bientôt dans une banque de données dédiée, dont le lancement est prévu pour le courant de 2012. S’agissant de la version papier du Chemin du Labyrinthe, signalons également qu’elle paraîtra pour la première fois en format poche.
Par ailleurs, les premiers interviewes pour la réalisation d’un film documentaire sur Alain Daniélou viennent de commencer, tant en Suisse qu’à Paris et New York.
Rappelons qu’en septembre dernier, le palais Rospigliosi de Zagarolo, où siège le Centre Alain Daniélou, accueillait le spectacle de danses indiennes de Raghunat Manet, pour fêter le demi-siècle de notre présence dans ce petit village italien. Les commémorations du 150ème anniversaire de la naissance de Rabindranath Tagore ont en outre donné lieu à de nombreux concerts et manifestations sponsorisés par la Fondation.
Enfin, dans le cadre de la grande exposition « Indian Highway », qui se tient jusqu’au 23 janvier 2012 au MAXXI, le grand musée d’art moderne de Rome, la Fondation a également apporté son soutien pour une animation qui réunira la chorégraphe Shantala Shivalingappa et un groupe de musiciens indiens.
La Fondation emploie pas moins de onze collaborateurs (dont plusieurs à temps partiel) pour mener à bien toutes ces activités qui n’ont d’autre but que de permettre, à ceux qui le désirent, de pouvoir consulter l’œuvre d’Alain Daniélou à la source, ou de se familiariser avec les univers qu’il a côtoyés et décrits.
La numérisation de son œuvre écrite devrait permettre non seulement d’assurer cette pérennité, mais aussi d’apporter à Alain Daniélou de nouveaux lecteurs.

Jacques Cloarec
Concarneau. Décembre 2011

Facebook

Compte tenu de la montée en puissance de l’Internet social » et de la part que se taille Facebook avec ses — presque — huit cents millions d’inscrits, nous ne pouvions plus longtemps contourner l’incontournable. Ainsi, nous avons créé une page que nous vous invitons à rejoindre :

https://www.facebook.com/pages/Alain-Dani%C3%A9lou/205117149565141

A propos de réseaux sociaux, il est intéressant de constater que les acteurs du livre numérique s’engouffrent eux aussi dans la brèche. Amazon, par exemple, propose de relier son compte Kindle à ceux de Facebook ou Twitter pour y publier automatiquement ses lectures, ou encore de « suivre » d’autres utilisateurs, de lire leurs chroniques, de parcourir toutes celles associées à un ouvrage, de surligner les passages d’un livre et d’afficher les passages les plus surlignés par les autres lecteurs, de créer des notes et de les partager.

Christian Braut, Louveciennes, 2011.

 

Actualité

E Book Alain Daniélou sur Amazon et Apple store, ou Numilog

Les éditions Fayard et Inner Tradition International ont récemment mis en ligne la vente en E Book de leur ouvrage d’Alain Daniélou.

Numilog, la librairie numérique: http://www.numilog.com/Pages/Recherche/ResultatRecherche.aspx?mode=br&titre=&auteur=Alain+Dani%C3%A9lou

Apple store: https://books.apple.com/es/author/alain-dani%C3%A9lou/id373671620

Amazon: http://www.amazon.com/s?kc=A12MGAGPLUJEQK&keywords=alain+danielou&qid=1324123966&rh=i%3Adigital-text%2Ck%3Aalain+danielou&x=12&y=9

Toujours à propos d’ebook nous avons trouvé un petit opuscule de 7 pages (1,50 €) intitulé Origine du nom de famille Danielou publié par un anonyme « collectif d’auteurs » chez « Archives & Culture »
On y trouve certaines informations intéressantes et beaucoup d’imprécisions qu’on aimerait corriger.
Une appellation qui se répand de plus en plus, non seulement dans ce texte, est « hindouiste ». Que nous sachions le cardinal n’était pas Christianiste et son frère était tout simplement devenu Hindou.
Voir : http://www.youscribe.com/catalogue/livres/savoirs/sciences-humaines-et-sociales/origine-du-nom-de-famille-danielou-201075

 

Ethnomusicologue :
Introduction :

EthnomusicologueL’édition en ligne se trouve sur http://fr.wikipedia.org/wiki/catégories: Ethomusicologue. Elle est un lien hypertexte et sera mise à jour. Lorsque nous recommandons des pages en rapport, vous pouvez les lire sur http://fr.wikipedia.org/wiki/catégories suivi par le titre de la page. La plupart de ce qui se trouve dans l’index du livre a également une page qui y est consacrée sur http://fr.wikipedia.org/wiki/catégories suivi de l’élément de l’index. Si vous voulez des copies imprimées de ces pages vous pouvez chercher sur notre site internet (www.booksllc.net ) pour les ouvrages qui s’y rapportent. Vous pouvez aussi télécharger des ouvrages gratuitement en adhérant à notre club de livres, via notre page d’accueil.
Chaque chapitre de ce livre se termine par une URL pour une version hypertexte. Utilisez la version internet pour trouver les pages en rapport, les sites web, notes de bas de page, URLs. Vous pouvez cliquer sur le lien Histoire sur la version internet pour consulter une liste des auteurs de chapitres.

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Tout le contenu de ce livre est accrédité par Wikipedia, l’encyclopédie multilingues basée sur internet. (voir : https://creativecommons.org/licences/by-sa/3.0 )

La rédaction de Wikipedia est basée sur la collaboration. Depuis sa création en 2001 Wikipedia a grandi jusqu’à devenir un des sites web de référence les plus importants, avec plus de 68 millions de lecteurs par mois. Il existe plus de 91000 contributeurs actifs qui y travaillent, sur plus de 15 millions d’articles, dans plus de 270 langues différentes. Chaque jour des centaines de milliers de contributeurs y opèrent des dizaines de milliers de changements et apports et y écrivent des milliers de nouveaux articles.

Après un long processus de rencontres, discussions et débats, les articles adoptent graduellement un point de vue neutre à travers un consensus. Des éditeurs additionnels les développent et contribuent aux articles, aspirant à parachever équilibre et couverture complète. Le but de Wikipedia est de traiter toute la connaissance qui peut être vérifiée par d ‘autres sources. L’article Wikipedia idéal est bien écrit, équilibré, neutre et encyclopédique, et il contient une connaissance exhaustive, notable et vérifiable.

Wikipedia est ouvert à une base de contributeurs importante, et ils viennent de tous bords et formations. Ceci permet à Wikipedia de réduire de façon notable les partis-pris culturels et régionaux que l’on trouve dans de nombreuse autres publications, et cela rend la tâche difficiles à ceux qui souhaiteraient la censurer ou y imposer leurs opinions. Une base étendue d’éditeurs permet aussi l’accès et l’amplitude à des sujets et matières autrement difficiles à trouver et à documenter.
Vous pensez pouvoir améliorer ce livre, En ce cas, rendez-vous simplement sur la version internet et proposez des changements. S’ils sont acceptés, vos apports pourraient bien apparaître dans la prochaine édition.

Publié par : Books LLC (french series, 2010)
Droit d’auteur : https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.fr

LIVRES

Le tour du monde en 1936 :

Écoutez un extrait lu par Julien Saada, de la compagnie Eulalie (fichier MP3)  sur :

http://livre.fnac.com/a2027943/Alain-Danielou-Le-tour-du-monde-en-1936
Extrait de la préface (Le tour du monde en 1936) d’Anne Prunet.

Le tour du monde 1936 - Alain DaniélouLe Mot de l’éditeur : Le tour du monde en 1936
1936 : Alain Daniélou et son compagnon suisse, le photographe Raymond Burnier, décident d’effectuer un tour du monde. Ce voyage à travers des pays, des cultures, des religions, des paysages dure plus d’une année et les mène de New York à Hollywood, d’Honolulu à Tokyo, des temples de Kyoto aux bas-fonds de la Chine, des tombeaux des Ming à l’Inde éblouissante, d’une visite chez Tagore à un séjour à Bénarès où la peste sévit.
L’historien Pierre Gaxotte leur demande un reportage de ce voyage qui constitue le texte du présent ouvrage. Ce document, retrouvé en 1980 et publié par Flammarion, ne sera pas sans étonner Alain Daniélou; lui-même y trouve des exagérations et des critiques féroces qui pourront aussi surprendre le lecteur. La présente édition, publiée à l’occasion du centenaire de la naissance d’Alain Daniélou, s’enrichit des cent trois dessins qu’il réalisa au cours de ce voyage.

ARCHIVES – ARTICLES

Les Ecrivains et leur Pays d’Election
L’Inde
Alain Daniélou

Certains êtres, souvent poètes ou musiciens sont les enfants des fées, des errants que les hasards du sort ont fait naître, par une mystérieuse erreur, dans un cadre qui n’est pas le leur et qu’il faut quitter pour réaliser leur destin. Nul n’a envie de fuir les lieux où il a appris à vivre, où il a lié de tendres amitiés avec des arbres, des animaux, des hommes. Pourtant il arrive qu’un jour, par accident, l’un de nous aperçoit à l’horizon une terre étrange qui l’attire et bientôt le saisit, l’enveloppe, le possède. Il ressent une sorte de volupté pareille à un orgasme et une voix intérieure lui murmure, comme à Abraham : « c’est ici ». Mais une fois repérée la terre promise, il faut longtemps pour l’apprivoiser, pour connaître, pour comprendre la patrie qui vous a choisi. Il faut oublier tout ce que l’on avait cherché avec patience à apprendre et retrouver l’humilité émerveillée de l’enfance. L’adaptation à un monde nouveau, à sa manière de penser, à sa langue, à ses croyances et ses mœurs, est un apprentissage long et difficile. C’est une découverte d’horizons nouveaux du savoir, de l’art de vivre et de mourir qui fait de celui qu’on était un être différent.

Je ne m’étais jamais intéressé à l’Inde ni à ce que l’on appelle la spiritualité, fut-elle occidentale ou orientale. Je me méfie des religions, des tabous, des morales restrictives et aussi du goût de l’occulte. Je n’ai jamais cherché un substitut à la religion du monde où j’étais né dont j’avais expérimenté avec amertume la tyrannie. Ce qui m’a enchanté, dès le premier abord de l’Inde, c’est la beauté des êtres, du climat, des arbres, les rizières qui, pareilles à des miroirs, reflètent les nuages pesants de la mousson, les paysans nus et musclés qui ornent tous les recoins des paysages, les bœufs rapides aux cornes dorées, à la démarche dansante, qui traînent allègrement des chars multicolores. C’est graduellement que j’ai pris contact avec ces modes de penser, de sentir, de vivre, qui révèlent la nature profonde d’un peuple. Ce voyage intérieur, qui me mena d’abord auprès du fantasque poète qu’était Rabindranath Tagore, me conduisit ensuite, lorsque j’eus maîtrisé les complexités du langage, auprès des musiciens, des artisans, des moines errants et des lettrés de la ville sainte de Bénarès. J’ai passé plus de quinze années dans un ancien palais aux balcons de marbre ajouré, dominant le fleuve et sa rive où venaient se baigner des milliers de corps bronzés. Des brumes légères, roses, bleues et dorées, flottaient sur l’horizon lointain.
Chaque jour, au lever du soleil, je descendais l’immense escalier qui plongeait dans le fleuve pour aller me baigner, selon les rites, dans les eaux tièdes et argileuses qui rendent la peau très douce et vous purifient de vos erreurs. J’étudiais la musique, l’art difficile et subtil des râgas. Aucune civilisation n’a de place pour les oisifs, les touristes, les vagabonds. L’étroite porte qui permet de pénétrer dans une culture est toujours la technique d’un métier. Une fois incorporé dans un groupe, en modeste apprenti, on apprend les secrets des rapports sociaux et humains et l’on peut sans commettre d’impair, prendre contact avec les autres castes et monter dans l’échelle sociale jusqu’aux sources du savoir. On peut pénétrer dans la société hiérarchisée de l’Inde que par l’humble porte du monde artisanal. Né hors du territoire sacré de l’Inde, j’étais un shudra, un mleccha assimilé aux castes laborieuses et donc ce que l’on appelle, très arbitrairement, un intouchable. Ceci est un grand avantage car les gens de très haute caste sont liés –noblesse oblige – par des obligations, des devoirs parfois écrasants. Plus on est humble, plus on est libre. Mais les rapports entre les castes sont faciles. Elles forment un tout diversifié mais homogène. Il suffit d’observer des règles de bonne éducation, ne pas gêner les brahmanes et les princes par des mauvaises manières ou des contacts qui leur sont interdits pour des raisons rituelles.

Les indiens du peuple sont gais, amusants, érotiques, pleins d’humour, gentiment blasphématoires. Beaucoup pratiquent des danses lubriques et extatiques avec l’aide parfois d’un frais breuvage à base de chanvre, le bhang, qu’utilisent aussi les ascètes pour faciliter la concentration mentale.

Les Hindous vivent dans la familiarité des dieux qui sont aussi fantasques que les hommes. Ils n’ont donc pas à se préoccuper de religion et de morale. Quelques rites magiques suffisent à amadouer les puissances célestes.
L’attitude puritaine imposée par les religions négatives et dogmatiques qui, depuis plus de deux millénaires, ont agressé le monde et séparé l’homme du reste de la création, n’est en Inde qu’une façade trompeuse. Parmi les religions sœurs du monde antique, seule l’Inde a su préserver dans un demi-secret, une vision dionysiaque, un art de vivre en harmonie avec les dieux de la nature, les arbres, les animaux, les éléments. C’est dans cette Inde populaire et mystique, imprégnée de magie, que, exilé d’Occident, j’ai retrouvé ma raison d’être. Ce n’est pas dans l’Inde polluée par le modernisme des Aurobindo, des Gandhi, du pseudo-Védanta ou des ashrams touristiques que j’aurai pu découvrir l’amitié des dieux. L’Inde profonde et réelle est celle où se pratique l’ivresse cruelle des sacrifices, les danses extatiques et érotiques, la magie noire, l’alchimie, le développement de ces pouvoirs subtils qui permettent à l’homme de prendre contact avec les forces mystérieuses qui régissent le monde, de communiquer avec les esprits et les dieux et de se lancer à la conquête du ciel sans attendre, après une vie stérile et monotone, la vague éventualité d’un paradis illusoire un peu comme des travailleurs attendent, après une vie de labeur, l’ennui sans fin d’une vie de retraité.

L’Inde que l’on appelle shivaïte ou tantrique s’est révélée à moi comme la terre du bonheur de vivre. Elle m’a enseigné que c’est à travers l’extase du plaisir que l’on prend contact avec le divin. C’est dans ce monde, conforme à ma nature, que j’ai vécu et étudié les arts, la philosophie, les rites, la littérature, la musique, l’histoire, les mythes, les rapports sociaux et humains. Le Hindi est devenu ma langue, celle dans laquelle j’ai écrit une partie de mon œuvre.
Pourtant un jour le Gange a quitté ma maison, laissant un banc de sable devant la porte. C’était un présage inquiétant. Bientôt sont arrivés la guerre civile, la division et l’indépendance de l’Inde. La puissance coloniale a transféré le pouvoir à des opposants-collaborateurs, des avocats du barreau de Londres, imbus du socialisme romantique et du puritanisme anglo-saxon. Gandhi, Nehru, Jinnah, les nouveaux maîtres de l’Inde, étaient profondément hostiles à la civilisation traditionnelle, malgré la mascarade habile de Ganhdi. Ils décrétèrent l’abolition des corporations (des castes), l’expropriation des princes, le partage des terres, l’interdiction de la prostitution et de l’homosexualité, la persécution de l’enseignement traditionnel, l’ouverture des sanctuaires aux touristes. Tout fût entrepris pour saper les bases d’une civilisation plusieurs fois millénaire. Nehru ne s’en cachait pas. Lui que j’avais bien connu pendant les dures années de la lutte pour l’indépendance, me disait : « Vous vous intéressez à tout ce que nous voulons détruire ».Dans une Inde devenue xénophobe, il était évident que j’étais un témoin gênant. J’ai donc quitté une terre que j’aimais, où j’ai vécu les plus riches années de ma jeunesse comme d’autres, fuyant la tyrannie, se réfugient dans une terre d’exil. L’Inde n’a jamais été pour moi un pays étranger. Elle fait partie d’un univers culturel auquel appartenaient l’Egypte, la Grèce, la Rome antique. C’est seulement dans l’Inde que cet univers a pu se perpétuer. C’est pourquoi vivre dans une certaine Inde c’est se retrouver transporté aux sources mêmes d’une civilisation qui est aussi celle de l’Occident. C’est seulement quand l’Inde vous en révèle l’origine que l’on commence à comprendre le sens des mille survivances, les rites, les superstitions, les mythes qui ont survécus ailleurs, plus ou moins déguisés ou transformés, malgré l’absolutisme des religions nouvelles.
C’est pourquoi c’est à travers l’Inde que l’on peut retrouver les sources de la vraie culture de l’Europe, se libérer des fallacies morales et idéologiques d’un monde que l’on prétend moderne pour retrouver l’idéal d’un âge d’or dont le souvenir reste obscurément ancré dans le cœur de tout homme et que la société des villes s’efforce de déraciner.

L’Inde a été ma patrie parce qu’elle n’a pas été pour moi une aventure exotique mais des retrouvailles avec les véritables bases du monde auquel j’appartenais par le hasard de la naissance et qui avait été éclipsé par quinze siècles de tyrannie ecclésiastique. C’est dans l’Inde et par l’Inde que j’ai retrouvé et compris Diogène et Euripide, Hésiode, Virgile et Pétrone alors que l’apôtre Paul et Thomas d’Aquin m’étaient totalement étrangers. L’Inde m’a redonné des racines et partout où je vis, j’emporte avec moi un précieux bagage de modes de pensées et de vie qui s’acclimatent sans efforts dans l’Italie encore très étrusque où je vis à présent. La vision dionysiaque du monde qui remet l’homme à sa place dans la création est universelle. Elle est de tous les temps et de tous les lieux. Il suffit de la retrouver. Les insatisfaits d’aujourd’hui qui, fuyant l’Occident, vont se chercher dans l’Inde des gourous de fantaisie, sont trop liés à leurs complexes, à leurs chimères, à leurs rêves, pour jamais pénétrer vraiment dans le pays imaginaire qu’ils se sont fabriqué. J’écoute parfois avec curiosité le récit de leurs expériences dans un pays qui n’a aucun rapport avec l’Inde que j’ai aimée et où j’ai vécu.

Alain Daniélou
Le Labyrinthe, le 09 Juillet 1982.

Pour le journal Le Figaro du 20 Juillet 1982.

EXPOSITION

Rabindranath Tagore
La dernière moisson

Le Petit Palais organise une exposition du 27 janvier au 11 mars 2012 : pour faire découvrir au public quelque 85 de ses peintures sur papier.

Un an après le 150 éme anniversaire de la naissance de l’artiste indien Rabindranath Tagore (1861-1941), le Petit Palais va faire découvrir au public environ 85 de ses peintures sur papier.
Rabindranath Tagore est surtout connu comme romancier, dramaturge, compositeur et prix Nobel de littérature en 1913. Mais, il fut aussi vers la fin de sa vie un peintre au talent étonnant.

Eclectique, foisonnante, multiple, son œuvre et notamment ses peintures constituent un lien artistique vital entre l’Inde et le reste du monde. A travers sa littérature, ses créations théâtrales et musicales, ses tableaux inspirés par un profond courant humaniste, Tagore s’adresse au monde entier et inspire encore aujourd’hui les artistes les plus modernes d’Inde.

http://www.petitpalais.paris.fr/fr/expositions/rabindranath-tagore-1861-1941

EXTRAIT:

Radha Burnier dancing in Jean Renoir’s « The River » (1951)
En 1949, Renoir découvre le roman de Rumer Godden, The River, et décide de partir en Inde tourner son premier film en couleurs, Le Fleuve (The River), film épousant le rythme du Gange et attentif aux êtres vivants. Ce film aura une influence durable sur le cinéma indien et sur Satyajit Ray.

http://www.youtube.com/watch?v=d1ndD4knjpQ

ARTICLES

Actes Sud
PAVAN K. VARMA

Devenir Indien

La révolution inachevée de l’identité et de la culture

Essai traduit de l’anglais (inde) par Eric Auzoux

Poursuivant le décryptage décapant de la psyché indienne entamé dans ses deux ouvrages précédents, Pavan K. Varma retrace ici le parcours d’une colonisation des esprits qui, loin d’avoir pris fin avec le départ des britanniques et l’indépendance politique de l’Inde, se renforce aujourd’hui sous l’effet d’une mondialisation qui a incité le pays à adopter une culture du plagiat marquant désormais de son sceau ses pratiques linguistiques comme sa production artistique actuelle. Passionné et militant, un essai qui convoque la grande histoire comme l’histoire personnelle, pour dénoncer les risques d’une confiscation de la créativité et du devenir identitaire de l’Inde qui dispose pourtant de tous les atouts pour devenir une puissance majeure du XXI ème siècle.

Devenir Indien constitue le troisième volet de l’exploration décapante de la psyché indienne à laquelle se livre Pavan K. Varma depuis Le Défi indien ( Actes Sud, 2005 ; Babel N° 798) et La Classe moyenne en Inde, la naissance d’une nouvelle caste (Actes Sud, 2009). Dans ce troisième ouvrage, l’auteur s’attache à dénoncer certaines des tares identitaires et culturelles du sous-continent afin d’instruire le procès de sa « révolution inachevée ».
Il y a un seulement quelques décennies, avant que les mouvements d’indépendance ne se déclarent, au milieu du XX ème siècle, la carte du monde était, pour une bonne part encore, régie par l’existence des différents empires coloniaux. Or, force est de constater que, bien souvent, plusieurs décennies de liberté politique ne suffisent pas à assurer l’émancipation culturelle des ex-nations colonisées. L’Inde ne fait pas exception à cette règle : de nos jours encore, le visiteur peut, au siège du ministère des Affaires étrangères de l’Inde libre, lire, sur une plaque datant de l’époque coloniale : « La liberté ne descend pas sur un peuple, c’est lui qui doit s’élever jusqu’à elle ».
Devenir Indien s’ouvre sur l’évocation de deux documents relatifs à l’histoire personnelle de Pavan K. Varma (originaire d’une bourgade des rives du Gange), qui illustrent l’imprégnation coloniale subie par la fraction du peuple indien précisément appelée à diriger le pays après l’indépendance : une photographie de son grand-père maternel, juge à la haute cour d’Allahabad, vêtu des pieds à la tête à la manière d’un authentique magistrat anglais, ainsi que le texte du discours, à la limite de la caricature, qu’un des élèves de son père eut un jour à prononcer, en anglais, au moment de sa réception à un concours administratif.
Evoquant la figure de Lord Macaulay (1800-1859), l’un des personnages emblématique de cette mainmise des Britanniques sur les esprits, Pavan K. Varma brosse le portrait de ce lecteur assidu des classiques européens mais parfaitement ignorant de l’Inde, qui, fort des hautes fonctions qu’il occupait au sein de l’Empire dans le domaine de l’Education, ne manqua jamais d’afficher son mépris pour une civilisation dont il déclarait que les conceptions en matière d’astronomie « feraient pouffer de rire de jeunes pensionnaires anglaises » et que les théories médicales «  feraient honte à un vétérinaire anglais ».
……………………………………….. Du côté de l’Occident, l’ignorance perdue : « Parlez-vous hindou ? » demandait-on régulièrement à l’auteur quand il était en poste à Londres…..Quant à la laïcité dont les sociétés se prévalent, l’auteur en relève les contradictions, au Royaume-Uni mais aussi en France, éreintant au passage les grands discours sans lendemain.
Avant de se réjouir d’être incorporées au « village planétaire », conclut vigoureusement Pavan K. Varma, les élites indiennes, qui rêvent pour leur pays du statut de superpuissance, devraient donc se livrer à une évaluation des pertes et profits du processus, afin de ne pas renier les exigences du mouvement entamé il y a un siècle par les combattants de la liberté et prônant une capacité à être soi sans toutefois sombrer dans la xénophobie ou un traditionalisme étroit.
Aussi passionné que pénétrant, Devenir Indien démontre que l’Inde, pas plus que d’autres puissances colonisées par le passé, ne saurait prétendre à la liberté à moins de se réapproprier son identité culturelle. Un objectif plus urgent que jamais, avertit l’auteur, alors que les pressions exercées par les cultures occidentales dans le sens d’une homogénéisation toujours plus grande ne cessent de s’accentuer.

A NOTER
Le Défi indien (Actes Sud, 2005 ; Babel n°798) : plus de 12500ex. au 18/08/2011.

L’AUTEUR
Diplomate, essayiste, traducteur, Pavan K. Varma est un passionné multiforme. Après avoir occupé de nombreuses fonctions au sein du ministère indien des Affaires étrangères, en Inde et à l’étranger, il est aujourd’hui ambassadeur de l’Inde au Bhoutan.
Actes Sud a déjà publié Le Défi indien. Pourquoi le XXI e siècle sera le siècle de l’Inde (2005, Babel n° 798) et La Classe moyenne en Inde. Naissance d’une nouvelle caste (2009).
Format : 14,5 X 24 / 288 pages environ – Novembre 2011.