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Alain Daniélou jouant du Mridangam, Bénarès 1950.Alain Daniélou jouant du Mridangam, Bénarès 1950.
Photo : Raymond Burnier.

Alain Daniélou est né à Neuilly-sur-Seine (Paris) le 4 Octobre 1907.

Sa mère, Madeleine Clamorgan, descendante d’une très vieille famille de la noblesse normande, fervente catholique, fonde un ordre religieux et les célèbres institutions d’enseignement « Sainte Marie »; son père, homme politique breton, anticlérical, est plusieurs fois ministre. Son frère, entré dans les ordres, est nommé cardinal par le pape Paul VI.

Alain Daniélou passe la plus grande partie de son enfance à la campagne avec des précepteurs, une bibliothèque et un piano. Il découvre alors la musique et la peinture. Puis il part aux Etats-Unis (Collège d’Annapolis). Il vend ses peintures, joue du piano dans les cinémas durant les films muets. Revenu en France il étudie le chant avec le célèbre chanteur de lieder Charles Panzéra, la danse classique avec Nicolas Legat (le maître de Nijinski), la composition avec Max d’Olonne. Il donne des récitals, fait des expositions.

Très sportif Alain Daniélou a été champion de canoé. Habile conducteur de voitures rapides il fait en 1932 un voyage d’exploration dans le Pamir afghan et en 1934 un raid automobile Paris-Calcutta. Il séjourne chez Henry de Monfreid dans son fief d’Obock sur la Mer Rouge. De 1927 à 1932, participant à l’effervescence artistique de l’époque il connait les poètes Jean Cocteau et Max Jacob, l’acteur Jean Marais, Diaguilev, les compositeurs Stravinsky, Henri Sauguet et Nicolas Nabokov, l’écrivain Maurice Sachs, etc.

Puis, avec le photographe suisse Raymond Burnier, il part pour l’Orient, voyage en Afrique du Nord, dans le Moyen-Orient, en Inde, en Indonésie, en Chine, au Japon et, finalement, se fixe en Inde, d’abord auprès de Rabindranath Tagore, qui le charge de missions auprès de ses amis (Paul Valéry, Romain Rolland, André Gide, Paul Morand, Benedetto Croce) et le nomme directeur de son école de musique à Shantiniketan. Puis il se retire à Bénarès au bord du Gange.

C’est à Bénarès qu’il découvre la culture traditionnelle de l’Inde à laquelle il s’initie peu à peu. Il y restera quinze ans. Il étudie la musique classique indienne auprès de Shivendranath Basu. Il joue de la Vina comme un professionnel. Il étudie également le Hindi (qu’il parle et écrit comme sa langue maternelle), le Sanskrit et la philosophie auprès des représentants les plus autorisés de la tradition. Ceux-ci l’introduisent auprès d’un célèbre Sannyasi, Swami Karpâtrî, dont il traduit certains écrits et qui le fait initier aux rites de l’Hindouisme shivaïte. Connu sous le nom de Shiva Sharan (le protégé de Shiva), il est nommé professeur à l’université hindoue de Bénarès et directeur du collège de musique indienne en 1949. Il correspond avec René Guénon sur les approches philosophiques et religieuses de l’hindouisme shivaïte.

Très intéressé par le symbolisme de l’architecture et de la sculpture hindoues dont il étudie les textes, il fait de longs séjours, avec Raymond Burnier, à Khajuraho, Bhuvaneshvar, Konarak, mais aussi dans de nombreux sites moins connus de l’Inde centrale et du Rajputana. Il conserve de ces voyages une documentation iconographique de plus de 7000 négatifs photographiques.

En 1954 il quitte Bénarès pour prendre la direction de la bibliothèque de manuscrits et des éditions sanskrites d’Adyar à Madras. Il est nommé en 1956 membre de l’Institut Français d’Indologie de Pondichéry, puis de l’Ecole Française d’Extrème-Orient dont il est membre d’honneur depuis 1943.

Proche des mouvements qui réclament le départ des Anglais il est lié à la famille Nehru et en particulier de Mrs. Pandit, soeur de Nehru, à la poétesse Sarojini Naidu et ses deux filles. Toute sa sympathie va vers les mouvements indépendantistes. Mais, après l’indépendance de l’Inde, lorsque le nouveau gouvernement s’attaqua à l’orthodoxie, on lui suggéra que son rôle serait plus utile en Occident pour y présenter le vrai visage de l’hindouisme.

Il revient donc en Europe et crée en 1963 l’Institut International d’Etudes Comparatives de la Musique à Berlin et Venise. En organisant des concerts pour les grands musiciens de l’Asie et en publiant des collections de disques de musiques traditionnelles sous l’égide de l’Unesco, il est à l’origine de la redécouverte de la musique d’art asiatique en Occident. Avec des personnalités comme le violoniste Yehudi Menuhin ou le sitariste Ravi Shankar, son action sera décisive dans la reconnaissance de la musique classique de l’Inde non comme du folklore où elle était jusque là cantonnée mais comme un grand art savant au même titre que la musique occidentale. Il a publié des ouvrages fondamentaux sur la religion (Le Polythéisme Hindou), la société (Les Quatre Sens de la Vie, le Kama-Sutra), la musique (Musique de l’Inde du Nord, Sémantique Musicale), la sculpture et l’architecture (Visages de l’Inde Médiévale, Le Temple Hindou, La Sculpture Erotique Hindoue, L’Erotisme Divinisé), des contes (Le Bétail des Dieux, Les Contes gangétiques), une histoire de l’Inde, un livre sur le Yoga. Sa double culture, qui n’est pas une culture de synthèse, permet à Alain Daniélou d’avoir une vision « de l’extérieur » du monde occidental qui peut surprendre. Dans deux ouvrages Shiva et Dionysos et La Fantaisie des Dieux et l’Aventure Humaine il envisage les problèmes d’un Occident égaré qui a perdu sa propre tradition, éloigné l’homme de la nature et du divin. Il nous fait découvrir que les rites et les croyances du monde occidental ancien sont très proches du Shivaïsme et très aisément expliqués à l’aide des textes et des rites préservés en Inde. De nombreux ouvrages ont été traduits dans 15 pays en particulier en Espagnol, Japonais, Hollandais, Tamoul, Roumain, Tamil, Bulgare et Italien. Il a publié une traduction intégrale du Kâma Sûtra, ouvrage de plus de 600 pages qui a reçu un accueil extrêmement favorable de la critique et du public. Dans cette même période les Usa publient la plupart de ses livres en particulier ses mémoires Le Chemin du Labyrinthe dont une version complétée a été publiée en français en 1993, ce même ouvrage vient d’être publié en espagnol et en italien. En 1987, à l’occasion de ses « 4 fois vingt ans » Paris lui fait fête en organisant à l’Espace Pierre Cardin sur les Champs Elysées un spectacle en son honneur en présence du directeur général de l’Unesco et de nombreuses personnalités amies du monde des arts et de la culture.

Ces dernières années Alain Daniélou avait repris son activité de peintre ce qui lui a permis de présenter plusieurs expositions d’aquarelles dans une galerie de Saint Germain des Prés à Paris.

Alain Daniélou a collaboré en tant que consultant pour la musique de plusieurs films en particulier de Roberto Rossellini (documentaire sur l’Inde),de Jean Renoir (le grand classique « Le Fleuve »). Des extraits des disques qu’il a réalisés ont été utilisés par de nombreux cinéastes, des chorégraphes (Béjart pour Bakthi en autres), dans les télévisions et les radios de nombreux pays.

Trois programmes Video ont été réalisés : La Voce degli Dei par la Télévision de la Suisse Italienne (Lugano, 1995), Shiva Sharan par A.M. Masquin (Paris 1987) et le programme littéraire Apostrophe (INA, Paris 1981) Alain Daniélou était Officier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Ordre National du Mérite et Commandeur des Arts et des Lettres. Il a reçu en 1981 le prix Unesco/CIM de la musique, en 1987 la médaille « Kathmandu » de l’Unesco, il était membre d’honneur du Conseil International de la Musique, Président d’honneur des Instituts de Musique de Berlin et Venise, membre de la Société des Gens de Lettres, il a été promu « Personnalités de l’Année » en 1989. En 1991 il a reçu le prix Cervo pour la Musique nouvelle et est nommé membre de l’Académie Nationale Indienne de Musique et de Danse. En 1992 le Sénat de Berlin l’avait nommé Professeur Emeritus.

Ses livres sont édités dans douze pays en Anglais, Français, Allemand, Italien, Hollandais, Espagnol, Portugais et Japonais.
Redevenu européen Alain Daniélou partageait son temps entre Rome, Lausanne, Berlin et Paris, sa préférence allant à une grande maison perdue dans les vignes sur les collines du Lazio près de Rome.

Il est décédé en Suisse le 27 Janvier 1994 et, en bon hindou, a demandé à être incinéré.

Alain Daniélou était un penseur solitaire qu’on ne peut rattacher à aucune école occidentale, ni politique, ni philosophique, ni religieuse. Il s’opposait aux idéologies les plus répandues surtout aux monothéismes mais aussi au marxisme. Il jugeait sévèrement l’Occident. Soucieux du respect des races et des cultures il militait pour une société de castes harmonieuse et cohérente et refusait une démocratie égalitaire nivellatrice, optait pour la liberté, les différences et le pluralisme, toutes choses qui vont à contre courant des modes et slogans actuels. Son oeuvre apporte pourtant des idées originales à des problèmes auxquels l’Occident semble incapable de donner une réponse. Extrèmement impressionné et absolument convaincu de l’importance de la culture et de la religion véhiculées par l’Hindouisme Alain Daniélou s’est toujours considéré comme un Hindou et dans son dernier interview déclarait « l’Inde est ma vraie patrie ».

Il écrivait dans le récent complément à ses mémoires : « La seule valeur que je ne remets jamais en question est celle des enseignements que j’ai reçus de l’hindouisme shivaïte qui refuse tout dogmatisme car je n’ai trouvé aucune forme de pensée qui soit allée aussi loin, aussi clairement, avec une telle profondeur et une telle intelligence, dans la compréhension du divin et des structures de monde.

2007, centenaire de sa naissance, a été l’occasion de nombreuses manifestations dans 7 pays et 14 villes soutenues par plus de 40 organisations et sponsors (voir sur le site les lettres d’information – archives numéros 12 à 16).