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Georges Guette : « Un Gaulois chez les Hindous »
France Culture — Par Brigitte Delannoy, 26/10/83

PRÉSENTATION

Georges Guette a eu le privilège de partager le quotidien d’Alain Daniélou et de Raymond Burnier à Bénarès. Il a vécu à leurs côtés dans le palais de Rewa Kôti.

Le témoignage qu’il livre pour la célébration des « quatre fois vingt ans » de Daniélou est précieux pour comprendre quel mode de vie atypique, à la fois empreinte de sérieux et de fantaisie, ils menaient.

Guette témoigne aussi des relations que Daniélou et Burnier entretenaient avec les Indiens, et souligne le caractère inédit et sans doute unique de leur approche, liée à cette position sans précédent.

L’intégralité des interviews radiophoniques peut être consultée sur le site des archives.

Alain Daniélou (palais Rewa Kôti, Bénarès). Photo: Cecil Beaton.
Raymond Burnier (palais Rewa Kôti, Bénarès). Photo: Cecil Beaton.
Alain Daniélou et Raymond Burnier (palais Rewa Kôti, Bénarès).
© Cecil Beaton.

TRANSCRIPTION

Brigitte DELANNOY : A Bénarès, Georges Guette fut l’un des étudiants d’Alain Daniélou à la fin des années 40. L’indianiste et son ami Raymond Burnier lui ouvrirent les portes magiques du palais de Rewa.

Georges GUETTE : Alain et Raymond vivaient comme des gens aisés en Inde. Il y en avait bien sûr, il y en a toujours sûrement, avec quelques serviteurs qui faisaient partie de la famille. Et tous les deux, je crois, se consacraient complètement à leur passion. Burnier, à la photo des sculptures et des temples pour lesquels il avait entrepris de faire un peu le tour de Inde. Alain se consacrait beaucoup, je me souviens bien, à la musique.

C’était une vie très studieuse en même temps qu’une existence indienne. Il mangeait comme les Indiens. Ils avaient pour ce faire et pour toutes les actions quotidiennes les gestes des Indiens. Ils étaient complètement…

Brigitte DELANNOY : Indianisés

Georges GUETTE : … acquis à l’Inde, oui.

Brigitte DELANNOY : Ils portaient des vêtements indiens aussi, je suppose.

Georges GUETTE : Complètement oui, tout à fait.

Brigitte DELANNOY : Ils étaient même plus indiens que certains Indiens.

Georges GUETTE : Oui, dans la mesure où ils s’attachaient à des traditions que certains Indiens d’origine abandonnaient. C’est vrai. Et dans la mesure aussi où ils avaient une culture indienne certainement beaucoup plus large.

Brigitte DELANNOY : Plus profonde aussi.

Georges GUETTE : Et plus profonde que la plupart de l’élite indienne qui souvent effectivement était une élite arrivée un peu par l’argent plus que par la connaissance historique de sa civilisation.

Brigitte DELANNOY : Mais quelles étaient leurs relations avec le peuple indien et aussi avec l’aristocratie indienne ?

Georges GUETTE : je crois qu’autant que je me souvienne, le peuple, je les ai vus surtout avec les gens simples de la rue dont on a besoin à tout moment, par exemple pour transporter des travaux ; ils ont été traités avec une très grande gentillesse mais cette gentillesse, je crois qu’Alain Daniélou l’a de toute façon. L’important soit enfin, je crois ,qu’il le faisais en toutes circonstances. Et puis, il fréquentait les gens les plus initiés, les brahmines les plus savants. Je crois que le terme « savant » convient bien à Alain Daniélou qui a toujours cherché à connaître la civilisation hindoue à partir de son côté le plus savant.

< MUSIQUE >

Georges GUETTE : Je crois que l’évolution peut se faire sans révolution et surtout sans révolution négative car l’abolition de tout çe qui serait est une révolution totalement négative dans la mesure où elle détruirait l’Inde. Il serait absurde d’imaginer qu’on peut figer une attitude comme ça à un moment donné comme permanente, ça n’a pas de sens pas plus que je pense qu’en Occident, les gens qui prêchent pour la protection de la civilisation occidentale ont raison. Je crois que les situations sont tout aussi de grands brassages contre lesquels on ne peut rien et puis, sont certainement souhaitables à bien des égards. Je pense que pour l’Inde, c’est pareil. Il ne faut pas décider tout à coup qu’on abolit les castes, je dirais, parce qu’on ne pourrait pas les abolir. On ne peut pas.

En Occident, on a aboli, si vous voulez, peut-être les symboles de ce qui était l’ancien régime. On n’a pas aboli les classes sociales parce qu’il y a toute espèce de raisons qui font que ces classes sociales existent. Et puis, je crois que les gens qui sont dans une classe sociale occidentale, ils tiennent à leur classe sociale même si c’est la plus humble, il y a quelque chose qui fait que c’est leur monde. Ils s’y reconnaissent et s’y retrouvent. Je ne vois pas pourquoi tout à coup demain, les simples employés seraient si heureux que ça, que leur fille épouse quelqu’un d’un monde tout à fait différent, un grand bourgeois. Ça n’irait pas. Les castes, d’une manière plus particulière, contiennent un petit peu, si vous voulez, ces éléments-là. Ce sont les mêmes composants. On ne mélange pas, c’est un peu comme une civilisation. C’est une composante de civilisation, de culture, : chaque caste est un petit peu en soi une culture. Ça ne se mélange pas comme ça.

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