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Alain Daniélou sur Radio Suisse Romande Interviews


Alain Daniélou – Émission « L’horloge de sable »
3/5 « Dialogue sur l’Inde II »

Avec l’aimable autorisation de « RTS Radio Télévision Suisse ».

L’intégralité des interviews radiophoniques peut être consultée sur le site des archives.

TRANSCRIPTION

Présentatrice : Les informations sur Option Musique à Martigny 765 en ondes moyennes.

Espace 2, Daniel Rausis.

Daniel RAUSIS : Des éléments retrouvés dans nos archives à la Radio Suisse Romande avec une grande voix qui s’est éteinte il y a 10 ans. 17h-18h sur Espace 2, avec la collaboration d’Alain Perrotet, « L’Horloge de sable » vous propose la troisième de cinq émissions avec Alain Daniélou.

<MUSIQUE>

Alain DANIÉLOU : Il y a deux portes entre le non-existant et l’existant. L’une, c’est l’émission de spermes, le moment où tout d’un coup, un être qui n’existe pas devient un être potentiel. Et l’autre, c’est la mort où à un certain moment, l’être qui existait cesse d’exister. Et ces deux portes jouent un rôle très important dont nous devons être très conscients.

<MUSIQUE>

Daniel RAUSIS : Ce dialogue sur l’Inde a été accordé à Antoine Livio en septembre 1985, Alain Daniélou qui a été un pont entre l’Orient et l’Occident et entreprend une causerie magistrale sur l’Inde et l’hindouisme. Il pose d’abord quelques distinctions importantes.

<MUSIQUE>

Alain DANIÉLOU : Alors, il faut dire et c’est là ce qu’il m’a fallu un certain temps pour comprendre, c’est qu’en réalité, il y a deux hindouismes et il y en a toujours eu deux qui sont incompatibles. Alors, il y a cette ancienne tradition que l’on appelle le shivaïsme d’où vient tout ce savoir extraordinaire qui est d’origine pratiquement préhistorique, qui était la religion de la vallée de l’Indus, etc. Puis, sont arrivés les Aryens qui étaient des affreux bons hommes qui ont tout démoli, mais ont imposé le védisme, leur religion et tout leur système social, leur dieu, etc. Donc, ils ont occupé l’Inde, ils ont dominé l’Inde, ils la dominent encore si l’on peut dire. Mais parallèlement, l’ancienne religion s’est toujours maintenue et toujours restée la religion populaire.

On a cette double tradition, cette tradition du védisme qui, à mesure que les Aryens se sont civilisés, s’est imprégnée peu à peu de toutes sortes de notions qu’ils empruntaient à ces peuples qu’ils avaient écrasés et qu’ils méprisaient, etc., et là, toute la pensée que nous voyons peu à peu apparaître dans… En partant des védas, on voit peu à peu apparaître déjà dans l’Atharva-Véda le dernier, puis les Upanishad, puis les Brahamanas, puis les rituels, etc., tout d’un coup se pénètre peu à peu de cette pensée, de toutes ces notions que les moines de la tradition shivaïte maintenaient et qui restait la religion du peuple. Parce qu’en fait, l’invasion aryenne s’est arrêtée en somme auprès du Gange et de l’Indus. Ils ont envoyé des missionnaires ailleurs, c’est-à-dire ils ont envoyé des familles de brahmanes dans l’Inde du Sud, dans le Bengale, dans l’Himalaya mais qui sont toujours restées marginales. C’était des colonies au fond.

Et là alors se maintenaient, au contraire, toutes sortes de rites et de formes de savoir appartenant à l’ancienne religion. Dans le Sud de l’Inde par exemple, on peut dire que le brahmanisme védique n’affecte qu’une couche très superficielle.

Antoine LIVIO : C’est le shivaïsme qui y est encore ?

Alain DANIÉLOU : C’est le shivaïsme qui y est encore. Et par exemple, les légendes enterrent leurs morts, ne les brûlent pas comme faisaient les Aryens et tous leurs rites. Et alors, ils ont conservé dans beaucoup de temples de l’Inde, tous les temples shivaïtes, il y a beaucoup de régions où vous avez un jour de la semaine, ce sont des prêtres brahmanes et un jour, ce sont des prêtres shivaïtes non brahmanes qui officient.

Antoine LIVIO : Oui, je vois.

Alain DANIÉLOU : Les deux religions restent toujours comme ça et je crois qu’il y a très peu de gens qui ont compris tout ce système qui est assez compliqué et dont souvent, les indiens, suivant ceux avec qui vous parlez n’aiment pas beaucoup parler et souvent ne sont pas très bien informés.

Antoine LIVIO : Maintenant, quels sont les rapports que l’hindouisme entretient avec les autres religions qui se sont imposées parce que tout de même, la religion musulmane est quand même très présente en Inde ?

Alain DANIÉLOU : Oui, et non seulement cela, elle a beaucoup affecté une certaine philosophie indienne. Il y a eu un phénomène historique très curieux.

Antoine LIVIO : D’osmose.

Alain DANIÉLOU : Non, d’emprunt mutuel d’ailleurs à une certaine époque, mais c’est là où déjà à partir du VIIème, du VIIIème siècle, même dans la pensée de philosophes comme Shankaracharya ou Madhava, il y a une connaissance de la pensée islamique et une tendance vers le monothéisme ou un certain monisme. Et alors ensuite, ultérieurement, il y a eu toutes sortes de mouvements pour intégrer des idées chrétiennes, aussi faire un hindouisme chrétien. Un des cas particuliers aussi, on a eu l’hindouisme islamisé qui est le (0:06:19) les sikhs, qui tout d’un coup ont fait une espèce d’amalgame. Ensuite, vous avez eu toutes les nouvelles idées de l’Arya Samaj, le Brahmo Samaj, toutes ces sociétés qui faisaient un hindouisme chrétien et qui aboutissent au gandhisme et aussi à des gens comme Aurobindo et tous ces gens qui se prétendent représenter la tradition indienne et qui sont profondément influencés par des idées occidentales.

<MUSIQUE>

Daniel RAUSIS : Un extrait de l’Atharva-Véda récitée par le prêtre Shri Manjakudi Rajagopala Sastrigal. « L’Horloge de sable » sur Espace 2 qui vous permet d’entendre aujourd’hui Alain Daniélou au micro d’Antoine Livio, nous sommes en 1985.

Antoine LIVIO : Et le bouddhisme alors ? De l’autre côté, le bouddhisme a quand même lui aussi joué un rôle, mais est-ce qu’il y a eu frontière, est-ce qu’il y a eu brisure ou est-ce qu’il y a eu osmose ?

Alain DANIÉLOU : Il y a eu les deux, c’est-à-dire le bouddhisme apparaît, est une révolte au fond de la caste princière contre la tyrannie des brahmanes. Et à ce moment-là, il y avait aussi le jaïnisme et le bouddha, aussi bien Gautama, aussi bien que Mahavira, ont d’abord été longtemps les disciples d’un moine shivaïte. C’est un espèce de diogène extraordinaire qui s’appelait Gosal et qui errait partout, qui s’enivrait mais qui prophétisait, qui était un personnage extraordinaire et qu’ils ont suivi pendant plusieurs années. Après quoi, ils se sont séparés de lui et Gautama a décidé de réformer l’hindouisme et Mahavira de réformer le jaïnisme. A ce moment-là, ils ont créé ces deux formes de ce que j’appelle les religions de la cité, c’est-à-dire que tout d’un coup, au lieu de cette espèce de vie dionysiaque de gens vivant en communauté avec les animaux, avec les forêts, avec les choses, ils s’intéressaient seulement à créer des communautés humaines au bien moral, à l’ordre de la cité, etc. et ceci a joué un très grand rôle et pendant très longtemps.

Et puis, il y a eu une renaissance tout d’un coup plus tard au début de notre ère, une grande renaissance du shivaïsme, qui tout d’un coup, on a ressorti toutes sortes de textes que l’on croyait perdu depuis 2000 ans et qui sont les Agamas, les tantras, le yoga, toutes ces choses, qui ont donné la grande période de la civilisation hindoue, toute cette période qui va du 1er siècle aux invasions musulmanes. Puis de nouveau, on a repris certaines notions du bouddhisme et du jaïnisme dans une espèce de philosophie qui parle de Shankaracharya et de ces grands philosophes et qui ramènent toutes sortes de nouveaux, toutes sortes d’idées et donnent naissance à ce qu’on appelle aujourd’hui le vishnouisme, c’est-à-dire une religion sentimentale, bondieusarde, puritaine, etc., très contraire au dionysisme shivaïte. Donc, il y a cela. Et puis alors, évidemment, est arrivé l’islam et ceci a causé d’abord des catastrophes, mais a aussi profondément affecté et créé une espèce de magma de religion.

Antoine LIVIO : Donc, beaucoup plus magma de religion que guerre de religion.

Alain DANIÉLOU : Oui.

Antoine LIVIO : Avec l’islam, il y a eu des guerres, sans doute.

Alain DANIÉLOU : Oui. Bien sûr. Parce qu’aucune des formes de l’hindouisme n’a jamais été conquérante. Et encore aujourd’hui, si vous allez voir un brahmane et lui dire : « Je voudrais devenir hindou » et il dit : « Mais pourquoi ? Vous êtes chrétien, ça va aussi bien » et « non, vous êtes musulman, mais pourquoi pas ? » Toutes les voies sont bonnes, etc. Et de même que toujours l’Inde a accueilli tous les peuples et toutes les religions, elle n’a jamais cherché. Au contraire, elle a toujours cherché à ne pas faire de mélange ni dans les races ni dans les idées ni dans les croyances et que chacun continue, pourquoi pas ? C’est la variété du monde. Pourquoi on ne veut pas mélanger les chiens siamois et les chats persans, on n’a pas de raison de faire la même autrement pour les idées ou pour les croyances.

Antoine LIVIO : Et c’est aussi la même chose. On ne marie pas les castes. On reste dans sa caste.

Alain DANIÉLOU : Oui, c’est-à-dire c’est une idée qu’au fond, le code génétique d’une espèce est une chose très précieuse. C’est très grave de le détruire par des mélanges. C’est tout un héritage des ancêtres qui ont établi un certain type humain adapté à certaines fonctions, possesseur de certaines vertus, qui font partie de notre être physique et que nous transmettons à nos enfants. C’est très grave de rompre cette chaîne, de détruire tout cet héritage. C’est un outrage aux ancêtres épouvantables que de se marier hors de sa race, hors de sa caste, hors de son groupe.

<MUSIQUE>

Daniel RAUSIS : Alain Perrotet qui réalise cette émission signe également le programme musical. Il a choisi ici un extrait de la Taittiriya Upanishad mise en musique par Ravi Shankar : « Ne néglige pas tes devoirs envers les dieux et tes ancêtres. Puisse ta mère être comme un dieu pour toi. Puisse ton père être comme un dieu pour toi. Puisse ton maître être comme un dieu pour toi. Puisse ton hôte être comme un dieu pour toi ». Dialogue sur l’Inde, Alain Daniélou, Antoine Livio.

<MUSIQUE>

Antoine LIVIO : L’idée de l’homme, Alain Daniélou, est-ce que l’homme, la notion même d’hommes a varié et varie ? Est-ce que l’être humain est le personnage central de la nature ou est-ce qu’il n’en est qu’un des atomes ?

Alain DANIÉLOU : Il n’est pas du tout le personnage central. Il est peut-être un personnage dans le petit monde où nous vivons, il est un animal privilégié. Mais le monde n’est pas fait pour l’homme, seulement du fait que l’homme a certaines facultés, il est un spectateur de premier plan plus important qu’un chat ou qu’un chevreuil.

Antoine LIVIO : Il est une étape dans la réincarnation.

Alain DANIÉLOU : Dans la réincarnation ? Comment ?

Antoine LIVIO : Non, mais je croyais qu’il y avait quand même dans l’existence plusieurs étapes, non ?

Alain DANIÉLOU : Oui

Antoine LIVIO : On passe quand même de l’animal inférieur à l’animal supérieur, c’est-à-dire à l’homme.

Alain DANIÉLOU : Attention, là, c’est un très grave problème parce que le shivaïsme ne croit pas à la réincarnation et le shivaïsme ne considère pas en tout cas ces…L’idée de la réincarnation est venue dans l’hindouisme du jaïnisme qui était une religion athée et qui cherchait une explication au fait que certains gens sont nés bêtes et d’autres intelligents, certains beaux et d’autres laids. C’est une explication. Mais dans le shivaïsme, cela n’existe pas. Ce qui importe, c’est la chaîne physique, c’est-à-dire la chaîne héréditaire. L’espèce de sélection, disons, raciale qui crée un type de plus en plus raffiné, de plus en plus évolué, plus en plus parfait qui est le récipient adapté parce qu’il en a les vertus, l’intelligence de la tradition initiatique. C’est pourquoi la tradition, le système génétique de la continuation d’un type humain va parallèlement avec la tradition initiatique et l’une n’est pas possible sans l’autre.

Antoine LIVIO : J’en reviens à ma question : est-ce que la notion d’homme dans la cité, la notion d’être humain est exactement la même dans toute l’Inde ? Est-ce qu’il y a des endroits de l’Inde où l’homme est plus puissant, l’homme est plus parfait ?

Alain DANIÉLOU : On ne sait pas. On ne peut pas mettre ça tout à fait par région, sauf dans la mesure où avec un système qui cherche à maintenir l’autonomie des différentes espèces d’hommes, vous avez dans l’Inde des diversités absolument extraordinaires, puisque vous avez des tribus qui sont à l’âge de pierre, qui vivent de cueillette et taille des silex, ils existent toujours. Jusqu’à nos jours, on ne les avait pas dérangés. Et de même, vous avez des dynasties de princes, de gens qui ont des notions des valeurs chevaleresques et morales extrêmement hautes. Vous avez des dynasties de marchands qui sont des gens terribles mais font très bien leur métier. Mais tous ces gens-là coexistent. Ils ne sont pas séparés d’une région dans l’autre, excepté qu’il y a certaine prédominance, on peut dire, de certains groupes dans des régions plutôt que dans d’autres.

Antoine LIVIO : La pensée et la philosophie hindoue est tellement liée dans la vie de tous les jours, Alain Daniélou, que je me suis demandé s’il y avait une mutation qui était possible, s’il y avait eu des transformations du simple fait que par exemple les maharadjahs ne sont plus des maharadjahs aujourd’hui. Ils n’ont plus les fortunes de jadis. Alors, est-ce qu’il y a une mutation de la pensée, une transformation, une évolution de cette pensée ?

Alain DANIÉLOU : C’est-à-dire, il y a déjà eu à certaines époques des destructions des structures sociales. Elles se sont en général reconstituées. Le fait que les princes aient été dépossédés au nom d’une idéologie moderne est une chose qui apparaît malsaine aux Indiens. Nehru a dû faire une loi pour interdire aux paysans d’élire leur maharadjah comme leur représentant au parlement. Vous comprenez ? Le prince est quelqu’un qui pratique certaines vertus et dans l’idée indienne, c’est d’ailleurs aussi une idée chinoise, la prospérité du pays dépend de la vertu du prince. C’est quelqu’un de très important comme le prêtre.

Nous continuons, nous ici en Europe, à conserver que le prêtre est quelqu’un d’à part, qu’il doit être vertueux et sain, etc., même s’il ne l’est pas vraiment. Il y a aussi dans cette notion de différents ordres sociaux, on conserve dans l’Inde une espèce de noblesse des catégories que l’on trouve aussi dans les castes artisanales, qui existent encore un petit peu ici, peut-être dans le compagnonnage, comme ça des gens qui considèrent que leur métier est une tradition noble et qu’il faut respecter certaines valeurs et certaines choses. Alors ça, dans l’Inde, c’est très répandu dans tous les groupes et chaque groupe humain est fier de lui. Les gens qui croient ici que des gens qu’ils appellent des intouchables, etc. auraient envie de devenir des brahmanes, ils se trompent complètement. Cela n’a pas de sens. Chaque groupe humain est très fier de ce qu’il est, comme le chat n’a pas envie de devenir un chien. Nous avons beau lui dire que les chiens, c’est beaucoup plus gros et beaucoup plus beau, mais ça ne l’intéresse pas. Et vraiment, ce sont des idées artificielles, les gens sont toujours fiers de ce qu’ils sont au fond. Et si au contraire, on les aide dans ce sens en maintenant des institutions particulières à chaque groupement, la société, les gens de différents types et de différents genres de facultés peuvent vivre très harmonieusement ensemble.

<MUSIQUE>

Daniel RAUSIS : Chant d’un batelier du Bengale enregistré par Xavier Bélanger pour un disque édité en 1998. Pour « Mais Encore » le 11 septembre 1985, Antoine Livio rencontrait Alain Daniélou.

Antoine LIVIO : Il y a dans un de vos livres quelque chose qui m’a fort surpris. C’est dans l’érotisme en Inde. J’avais toujours cru qu’il y avait en Inde cette recherche de la sainteté, de la sérénité. Et puis d’un autre côté, j’ai appris grâce à vos livres, à vos études qu’il y avait une recherche dans l’érotisme, c’est-à-dire qu’on ne faisait pas de frontières, cette frontière qui est peut-être totalement occidentale et chrétienne entre l’esprit et le corps.

Alain DANIÉLOU : Non, absolument pas. Et en fait, il n’y a pas d’esprit en dehors du corps. Le corps est une chose merveilleuse. Tout notre être humain est une structure prodigieuse et qu’il faut essayer de comprendre, etc. et qu’il ne faut absolument pas maltraiter. Donc, tous les aspects de la vie et en particulier, tout ce qui touche à la joie, au bonheur, au plaisir et aussi à la reproduction sont des éléments fondamentaux de la vie qu’il faut traiter comme des choses sacrées. Il y a deux choses d’ailleurs que des gens ne comprennent pas facilement, c’est qu’il y a deux choses complètement différentes qui sont les rites de reproduction. Pour continuer son espèce, on doit pratiquer sous une forme rituelle une union avec une personne appartenant exactement à la caste qu’il faut quand les astres sont favorables, etc. pour obtenir le meilleur enfant possible et continuer la lignée, c’est tout à fait un aspect, et puis il y a l’autre aspect qui est celui de l’érotisme qui est un moyen essentiel de nous réaliser parce que l’homme qui est frustré sur le plan du succès ou sur le plan du plaisir est incomplet. Et en plus, cette chose extraordinaire qui est que c’est dans l’érotisme que nous sommes le plus proche de l’état de béatitude du divin. Donc, il y a tout un aspect mystique des réalisations érotiques qui n’ont rien à voir avec la reproduction d’ailleurs et qui ne doivent pas l’être, et là, il a alors tout un rituel du plaisir qui est un des moyens de se perfectionner et de prendre contact avec certains aspects de la divinité.

Antoine LIVIO : D’où l’explication, la présence de sculpture érotique, de toute une statuaire érotique à l’intérieur des temples.

Alain DANIÉLOU : Oui parce qu’évidemment, l’érotisme, c’est quelque chose de très curieux parce qu’il y a deux portes entre le nom d’existant et l’existant. L’une, c’est l’émission de sperme, le moment où tout d’un coup, un être qui n’existe pas devient un être potentiel et l’autre, c’est la mort où, à un certain moment, l’être qui existait cesse d’exister. Et ces deux portes jouent un rôle très important dont nous devons être très conscients. Alors, naturellement, en Occident, on a parlé d’Amor et Mortis, de l’amour et de la mort, mais dans l’Inde, c’est une chose extrêmement précise. Et il y a toutes sortes de conceptions qui sont liées à justement ces différents moments, ces différents passages, des rites érotiques qui sont très importants puisqu’en effet à ce moment-là, nous sommes tout près.

Antoine LIVIO : Mais qu’est-ce qui est le plus important ? Ça signifie donc de par l’importance de cet érotisme que la vie est plus importante que la mort ?

Alain DANIÉLOU : La vie est plus importante. La vie est absolument importante pour nous parce que c’est une occasion prodigieuse pour nous de découvrir, de jouer un rôle. L’homme est un acteur sur ce merveilleux théâtre du monde et tout d’un coup, on lui donne un rôle magnifique. Il le joue avec passion, il essaie de se réaliser, de se perfectionner, d’élargir ses connaissances, d’avoir du succès sur tous les plans. La vie est une occasion absolument extraordinaire et pourquoi est-ce qu’on ne considèrerait pas qu’il faut profiter sur tous les plans de cette chance que les dieux nous accordent ?

<MUSIQUE>

Daniel RAUSIS : Musique d’Henri Sauguet. Henri Sauguet au piano. Henri Sauguet s’est épris de mon piano, a raconté Alain Daniélou dans « Le Chemin du Labyrinthe ». On l’entend ici Henri Sauguet se glissant dans ce dialogue sur l’Inde que conduit Antoine Livio. Nous sommes en 1985.

<MUSIQUE>

Antoine LIVIO : Vous avez quitté l’Inde. Vous vivez ici en Italie Alain Daniélou. L’Inde vous manque ou est-ce que vous avez reconstruit autour de vous votre Inde à vous ?

Alain DANIÉLOU : Non. Je crois que je ne peux pas dire non. L’Inde ne me manque pas parce qu’à côté de ces aspects d’une certaine recherche et de certaines valeurs, ce n’est pas nécessairement un pays où toutes les conditions de la vie sont particulièrement agréables. De plus, pour moi, cela n’aurait pas de sens. J’ai fait mon éducation, j’ai reçu une certaine chose, c’est à moi de trouver un endroit tranquille où je puis essayer de mettre en place toutes les choses qui m’ont été données, de les communiquer si je puis et je suis le mieux placer ici pour le faire que je ne le serai dans l’Inde. Et pour ajouter quelque chose aux choses que j’ai apprises, il faudrait me réintégrer dans un milieu des habitudes, des façons de se laver, des façons de se baigner, des façons de manger, etc., il faudrait trop longtemps pour me réintégrer et peut-être pas pour gagner beaucoup. Donc à ce moment-là, je suis très bien ici.

Antoine LIVIO : Est-ce que le fait d’avoir fait de la danse, est-ce que le fait d’avoir su parler avec votre corps, ne vous a pas aidé à assimiler, à accepter l’hindouisme ? Est-ce que le fait de – oui, précisément – de donner à votre corps une fonction qui est beaucoup plus qu’une fonction utilitaire, d’être artiste avec l’entier de votre corps ne vous a pas aidé ?

Alain DANIÉLOU : Je pense, oui. D’abord la danse, aussi le chant que j’ai pratiqué, aussi la peinture que je pratique toujours. Tout ça, ce sont des moyens au fond de communication. L’expérience, par exemple, qu’on a de la musique quand on vit la vie dans la danse, c’est quelque chose qui n’a rien à voir avec le fait d’écouter sagement dans une salle de concert, c’est tout à fait autre chose. Et de même, je dois dire pour la peinture, pour moi, l’espèce de communication, de concentration quand on est en train de peindre un paysage, un arbre, un coucher de soleil, n’importe quoi, une telle intensité que par exemple qui est fait des milliers et des milliers de l’aquarelle, je me rappelle toujours exactement du moment où j’ai fait une chose. Donc, c’est une émotion, c’est une communication très forte. Et je crois qu’en effet, c’est très utile parce qu’à partir du moment où on a un système de communication, il fonctionne sur tous les plans et que certainement, ça m’a beaucoup aidé.

Antoine LIVIO : Lorsque vous êtes arrivé en Inde, vous avez dansé, vous avez appris cette nouvelle codification des mouvements humains ?

Alain DANIÉLOU : Non. Je n’ai jamais travaillé la danse indienne. La musique, oui, alors j’ai appris la musique et je jouais de la vînâ assez bien, je crois.

Antoine LIVIO : Vous continuez de jouer de la vînâ ?

Alain DANIÉLOU : Non, pas vraiment parce que vous savez, les instruments, si on n’a pas le temps de travailler tous les jours, c’est désolant. Je peux jouer, mais ça me coupe immédiatement les doigts. C’est très pénible. Et on joue mal, alors on n’aime mieux pas, ce sont des choses et évidemment, on doit toujours renoncer. C’est très triste, mais on ne peut pas tout faire.

Antoine LIVIO : Quel est votre livre de chevet ? Lorsqu’on est chrétien, on a la bible. Lorsqu’on est hindou, quel est le livre que l’on aime lire ? Ou est-ce qu’il n’y a pas de livres à lire ?

Alain DANIÉLOU : Cela, c’est difficile à dire parce que je ne peux pas dire, non. Il n’y a pas un livre sûrement. Ce qui m’intéresse et ce que je lis en cas d’occasion, c’est une immense littérature, toute cette littérature, des Puranas, les Agamas, des Tantras, tout ce que tout d’un coup, le renouveau shivaïsme a fait ressortir, mais c’est tellement vaste qu’on s’y perd. Evidemment, de temps en temps, je me mets à travailler sur un texte comme je viens de faire pour les textes du Sâmkhya, de la cosmologie. A ce moment-là, cela veut dire beaucoup d’attentions ou de réflexions, des choses comme ça. Ce n’est pas un livre où l’on met son couteau, on dit : aujourd’hui, ça sera la parole de Job (0:35:31) qu’ont font certains clans. Je ne peux pas dire qu’il y ait pour moi un livre particulier ou même un groupe de livres. Non, il y a une bibliothèque.

Antoine LIVIO : Vous avez eu des rapports privilégiés avec René Guénon. René Guénon que vous avez dû sentir très près de vous. Est-ce qu’il y a eu d’autres personnes que René Guénon, d’autres occidentaux chez lesquels vous avez trouvé à peu près la même démarche, la même quête ?

Alain DANIÉLOU : Non, vraiment pas. Ça, pour moi, c’est très intéressant. Les seules personnes avec qui – mais c’est très récent – j’ai une espèce de communauté d’idées, ce sont des grands biologistes ou des grands savants, astronomes, ou comme ça, où alors tout d’un coup, on parle et c’est la même chose, on s’entend très bien. Là, c’est souvent très intéressant.

Antoine LIVIO : Et avec René Guénon, ça a été un peu plus loin quand même au point de vue discussion ou est-ce qu’il ne prenait de l’Orient qu’une certaine vision dont il avait besoin pour équilibrer ses recherches personnelles ?

Alain DANIÉLOU : Non, c’est-à-dire je crois que René Guénon a eu au départ, il a étudié auprès de quelqu’un de très compétent et puis ensuite, pour de mystérieuses raisons, il n’a pas pu aller dans l’Inde et il s’est islamisé. Alors, c’est vrai que dans un certain islam, il y a quelque chose qui reste d’une tradition initiatique, mais enfin, c’est un peu, c’est un reste alors que l’arbre, il a pris la branche au lieu de l’arbre. Et moi, j’ai eu des rapports simplement de correspondance avec lui extrêmement cordiaux. Il m’a souvent envoyé des gens qui voulaient étudier des choses, de la musique ou autre et puis alors, il était toujours question que je passe le voir et puis, ça ne s’est pas arrangé et finalement, il est mort.

Antoine LIVIO : J’aimerais savoir Alain Daniélou ce que vous pensez de tous ces maîtres qui parcourent les Etats-Unis surtout et qui réunissent des sociétés, des groupements où il y a, je crois, au-delà du yoga une certaine réflexion. Est-ce que c’est valable ? Est-ce que vous pensez que ça se rapproche un peu de votre propre itinéraire intérieur ?

Alain DANIÉLOU : Je crois que c’est tout à fait le contraire. Je ne crois pas. D’abord, c’est tout à fait contraire à la notion initiatique, c’est-à-dire le maître, le type qui a reçu un certain héritage, il a cette angoisse terrible de le transmettre. Donc, le gourou, le maître est quelqu’un qui cherche désespérément un disciple méritant. C’est le contraire de quelqu’un qui reçoit tous les gens qui viennent le trouver et qui se passe son adresse comme on se passe des adresses de bons restaurants, et qui paye leurs dîmes. Tout ceci est tellement absurde du point de vue de la notion de la tradition. C’est du tourisme spirituel et du commerce de bas étage. C’est très dommage parce qu’il y a un véritable besoin, il y a beaucoup de gens très bien intentionnés qui cherchent justement à découvrir quelque chose et qu’on leur donne au fond cette sauce un peu empoisonnée qu’il y a dans tous ces Ashrams et je crois que c’est très difficile souvent pour eux d’y échapper.

<MUSIQUE>

Daniel RAUSIS : De larges extraits de l’émission « Mais Encore » de septembre 1985, deuxième des dialogues sur l’Inde entre Antoine Livio et Alain Daniélou. Et puis, une page musicale conclusive choisie dans l’anthologie de la musique classique indienne Alapana dans le mode Kambhoji joué sur de Naga Swaram. C’est au titre de directeur de l’institut international d’études comparatives de la musique qu’Alain Daniélou ait reçu par Henri Jaton en 1973 dans le cadre du Conseil international de la musique à Lausanne et Genève. Un congrès qui a duré une semaine 9-15 septembre 1973. Il y est question de musique dans ce court entretien où Alain Daniélou évoque entre autres la figure de son maître Shivendranath Basu.

<MUSIQUE>

Henri JATON : Comment avez-vous établi et comment avez-vous découvert plutôt des signes caractéristiques de la musique indienne ?

Alain DANIÉLOU : Simplement parce que j’ai étudié la musique avec un des très grands musiciens de l’Inde et suivant la méthode dont on enseigne la musique dans l’Inde, c’est-à-dire en étant présent, en assistant un maître avec lequel on travaille, que l’on voit travailler, qui joue devant vous, que l’on assiste dans ses concerts, qui vous donne des conseils et quelquefois des leçons, mais c’est une chose que l’on absorbe par le contact avec un grand musicien.

Henri JATON : Est-ce qu’il s’agit d’un instrumentiste ou d’un chanteur ?

Alain DANIÉLOU : C’était un instrumentiste avec qui j’ai appris à jouer de la vînâ, le plus ancien instrument à cordes de l’Inde, mais qui était aussi un chanteur parce qu’il y a toutes sortes d’aspects dans la musique indienne où on ne peut pas tout à fait séparer les choses. Vous ne pouvez pas être un bon instrumentiste si vous ne pouvez pas aussi chanter certaines choses et si vous ne pouvez pas aussi jouer des instruments rythmiques à percussions.

Henri JATON : Mais est-ce qu’il s’agit d’une musique écrite ou d’une musique retransmise par tradition ?

Alain DANIÉLOU : Vous savez, je crois que la superstition de la musique écrite est extraordinairement exagérée. Aucune musique n’est complètement écrite. Si vous laissiez un computer vous jouer la musique comme elle est écrite, fut celle de Chopin ou de Bach, il ne resterait pas grand-chose. En fait, la partie que l’on peut écrire de la musique est plus ou moins limitée. Dans la musique indienne qui possède un système de notation qui a plus de mille ans de plus que le nôtre, on peut transcrire la musique, mais on ne transcrit que des thèmes parce que c’est une musique qui doit être, pour être bonne, vécue, c’est-à-dire improvisée.

Henri JATON : Il s’agit donc presque toujours d’une musique improvisée, à savoir qu’une audition d’une œuvre peut être totalement différente de celle qu’on a réalisé la veille ?

Alain DANIÉLOU : Oui, c’est-à-dire toute exécution est différente des autres. Mais dans un système musical où l’improvisation est importante, cela ne veut pas dire qu’on peut faire n’importe quoi. Il y a des règles extrêmement strictes qui dirigent cette improvisation, qui sont même extrêmement compliquées, ce qui fait que jouer un raga indien, un mode indien est une chose très difficile et qu’il faut avoir étudié ce mode pendant des années pour en connaître toutes les finesses et pour savoir ce qu’on peut faire ou ne pas faire dans l’improvisation. C’est au fond, vous pourrez comparer cela à l’art oratoire. Un orateur sait très bien ce qu’il va dire, mais il ne sait pas comment il va le dire. Et s’il se répète, il se répète autrement et pourtant, il dit la même chose, mais il doit avoir une très bonne connaissance du langage de sa grammaire, de son vocabulaire et c’est la même chose dans la musique improvisée.

Henri JATON : Mais dans le domaine instrumental, pourriez-vous peut-être nous préciser le caractère des instruments de l’Inde que nous avons entendus à Lausanne ?

Alain DANIÉLOU : C’est un instrument à cordes relativement récent, c’est-à-dire, pour l’Inde, c’est récent. C’est un instrument qui apparaît dans l’Inde sous sa forme actuelle vers le XVème siècle.

Henri JATON : Et auparavant, qu’existe-t-il ?

Alain DANIÉLOU : Des instruments similaires comme celui que je joue, la vînâ, qui lui remonte à trois mille ans. On en a des exemplaires extrêmement anciens dans la sculpture.

Henri JATON : Pourriez-vous nous le définir et nous dire en quoi il consiste ? Quel nombre de cordes il comporte ?

Alain DANIÉLOU : La vînâ ancienne est un bambou monté sur deux gourdes sphériques qui servent de résonateur. Sur ce bambou sont posées des touches assez hautes sur lesquelles sont tendues quatre cordes et sur les côtés, il y a trois cordes qui servent à donner la tonique en trois octaves différentes.

Henri JATON : Et d’après quels principes sont accordées ces quatre cordes ?

Alain DANIÉLOU : La corde principale, disons que c’est un do, vous aurez l’autre corde mélodique supérieure qui est une carte au-dessus, puis vous avez une corde un peu plus grosse qui donne la quinte inférieure et une autre encore qui donne l’octave inférieure

Henri JATON : Et lorsqu’il s’agit d’œuvres exécutées par un chanteur, quelle est la nature du texte qu’il interprète ?

Alain DANIÉLOU : La plupart des textes des chanteurs sont des textes de caractères érotico-mystiques. Ce sont des poèmes mystiques mais extrêmement romantiques, nous pourrions dire.

Henri JATON : Et transmis par la tradition.

Alain DANIÉLOU : Oui, ils sont transmis par la tradition, mais ils sont aussi écrits. Ils sont aussi publiés. Ce sont pour la plupart des textes de ces grands poètes mystiques de l’Inde du XVème et du XVIème siècle. Mais en fait, dans le champ savant, disons, les paroles jouent un rôle minime. La voix est considérée surtout comme un instrument.

Henri JATON : Oui, mais je pense que c’est le caractère du texte qui dicte le caractère de la musique ?

Alain DANIÉLOU : Non, pas vraiment parce que c’est le caractère du mode. C’est la musique elle-même. Chaque mode correspond à un état d’âme particulier.

Henri JATON : Alors, il s’identifie aux principes esthétiques grecs ?

Alain DANIÉLOU : Tout à fait, oui, excepté qu’évidemment, dans l’Inde, c’est beaucoup plus développé.

Henri JATON : Et sur quels points ?

Alain DANIÉLOU : Dans le sens qu’il y a beaucoup plus de mode.

Henri JATON : Combien y a-t-il de modes dans l’échelle sonore des hindous ?

Alain DANIÉLOU : On parle de 16 000, mais un très bon musicien en connaît 250 ou 300.

Henri JATON : Est-ce que la gamme est ascendante ou descendante ?

Alain DANIÉLOU : Elle est différente selon les modes en montant et en descendant, c’est-à-dire vous pouvez monter sur une certaine gamme et descendre sur une autre. Cela sera dans un mode particulier, par exemple, que vous ne pouvez pas utiliser la carte en montant mais que vous pouvez l’utiliser en descendant. Tout ceci correspond au caractère expressif que l’on attribue aux intervalles et qui donne le caractère général d’un mode qui sera triste ou gai, qui sera à la fois sensible et agressif. Toutes sortes de nuances qui font que chaque mode est une sorte d’univers émotionnel qui évidemment agit très fortement sur l’auditoire.

Henri JATON : Mais dans vos propres interprétations, vous faites l’usage de combien de modes ?

Alain DANIÉLOU : Moi, dans le livre que j’ai publié sur les modes, c’est un livre publié en Angleterre, je dois donner environ 220 ou 230 modes différents.

Henri JATON : Et vous les choisissez d’après quel principe dans l’exécution ?

Alain DANIÉLOU : Suivant l’humeur dont on est. Il y a des moments où vous avez envie, je ne sais pas, de chanter du Schubert et des moments où vous avez envie de chanter du Mozart. Suivant l’état d’âme où vous êtes, les circonstances, l’heure de la journée qui est très importante, vous choisissez plutôt certains types de mode.

Henri JATON : Oui, mais est-ce que ceci ne vous est pas indiqué par une partition écrite ?

Alain DANIÉLOU : Non ! Si ! Elle est écrite, si vous voulez, mais une partition qui serait une petite phrase musicale.

Henri JATON : Est-ce que dans vos exécutions, vous vous limitez à l’usage d’un seul instrument ?

Alain DANIÉLOU : Oui, c’est-à-dire l’instrument soliste est l’instrument et il peut se passer d’autres instruments

Henri JATON : Et quel est cet instrument principal ?

Alain DANIÉLOU : Ça dépend. Comme instrument soliste, vous avez des aubois merveilleux, les aubois indiens sont, il n’existe rien au monde qui puisse se comparer à eux. Vous avez des instruments à cordes aussi, le sitar, la vînâ sont des instruments merveilleux de subtilité. Vous avez des instruments à archet comme la sarangi. Tout dépend sur quoi, vous pouvez faire un solo de n’importe quoi avec un accompagnement de percussions et d’instruments donnant la tonique et quelquefois d’un second instrument mélodique qui reprend de temps en temps des phrases en accompagnement.

Henri JATON : Mais est-ce qu’à l’image de ce qu’on nous a dit dans l’orchestre classique, l’orchestre de Bach ou l’orchestre de l’école de Vienne, est-ce qu’on peut établir une sorte de nomenclature de l’ensemble authentique des instruments hindous ?

Alain DANIÉLOU : Non. On peut dire que la musique étant improvisée est nécessairement une musique de soliste. Le soliste peut toujours jouer seul, mais il peut aussi être accompagné de 1-2-3 instruments et ceci est extrêmement variable. Chaque instrument peut être un instrument de soliste et être accompagné par un petit groupe d’instrumentistes.

Henri JATON : Mais quels sont les instruments essentiels ?

Alain DANIÉLOU : Cela dépend un petit peu, disons, de la mode. Le sitar est devenu aujourd’hui un instrument très important alors que la vînâ qui est un instrument vraiment plus beau, plus profond, plus noble est aujourd’hui presque abandonnée parce qu’il est plus difficile que le sitar.

<MUSIQUE >

Daniel RAUSIS : Une musique à l’origine, éditée par l’institut international d’études comparatives de la musique à Berlin et Venise sous la direction d’Alain Daniélou. Nous entendons ici une vichitra vîna dans le Mode Todi. Henri Jaton rencontrait Alain Daniélou en 1973. Demain, dans « L’horloge de sable », d’autres archives avec des entretiens accordés notamment à Claude Mairet en 1960 déjà. Il sera question de l’érotisme divinisé et du polythéisme hindou.

<MUSIQUE >

Présentatrice : Espace2.ch, c’est notre adresse Internet. Vous pouvez y réécouter vos émissions préférées et trouver des renseignements sur tous nos programmes.

<MUSIQUE >

Daniel RAUSIS : Nous laissons ici cette vichitra vîna dans le Mode Todi. « L’Horloge de sable », c’était ce soir la collaboration d’Alain Perrotet et Daniel Rausis. Merci d’être à l’écoute d’Espace 2 après les informations jazz.

Présentatrice : Du 19 au 28 novembre, le festival « Les voix sacrées du monde » réunit des artistes du monde entier venus chanter dans leurs langues et traditions. Venez découvrir les chants celtiques, les musiques indiennes, les chansons arabo-andalouses ou corses. Venez apprécier les voix des Balkans ou celle des Armaillis. « Les voix sacrées du monde » les 19, 20 et 21 novembre à Lausanne et le 28 à Bulle. Renseignement : 021 311 73 93. Espace 2 diffusera quelques-uns des concerts dans « L’Ecoute des mondes » les dimanches à 16h avec le magazine L’Hebdo.

Espace 2, bientôt 18h. Après les informations, vous avez rendez-vous avec Yvan Ischer.