Art et architecture

L’architecture selon les hindous a partie lié avec la dimension métaphysique. Outre la valeur sacrée qui leur est attribuée, les matériaux de construction – bois, pierre ou brique – correspondent à une symbolique. Fruit du rapport établi entre l’univers et le terrain choisi, de l’appréciation géomantique, de l’exorcisation de la localité – on éloignait les démons et les esprits, mais aussi les dieux autres que ceux  auxquels était dédié le temple – l’acte même de construire avait valeur de rite magique. On y avait pleine conscience du sacrifice dont la terre était la  victime : soustraite à la culture, elle était destinée à soutenir le poids d’oeuvres de pierres. Aussi estimait-on nécessaire de la fixer, pour établir un rapport favorable entre la force créatrice de la terre même et l’oeuvre humaine qui devait en être issue ; une sorte de lien entre architecture  et nature, fondé sur les forces invisibles, aussi bien que sur une harmonie esthétique.
En vérité, l’art et l’architecture de l’Inde véhiculent des valeurs universelles mais qui se déclinent en de multiples facettes. La différence entre l’esthétique bouddhique et celle de l’hindouisme est évidente, et résulte d’une approche différente dans la recherche de la vérité telle que la mènent ces deux courants. Le bouddhisme vise à exprimer la majesté divine manifestée dans la vie même de l’univers, tandis que les Hindous privilégient le dynamisme – et par là le mouvement des masses architecturales. Les premiers prennent l’homme pour mesure, tout en le rapportant à un symbolisme cosmique, les seconds se réfèrent au rythme de la vie universelle.
Alain Daniélou s’est beaucoup intéressé à l’architecture indienne. Dès ses premiers voyages, il observe et analyse avec intérêt ces monuments qui sont le fruit d’une conception très différente de celle de l’architecture européenne. En compagnie de Raymond Burnier, ils feront découvrir les temples de Khajuraho. Ces temples ont inspiré deux livres intitulés Visages de l’Inde médiévale, et Le temple hindou, centre magique du monde, comportant des photographies de Raymond Burnier et des textes d’Alain Daniélou, exposant au lecteur la valeur et le sens de cette architecture.
En 2002 est parue L’Inde traditionnelle, contenant de nombreuses photographies de Burnier et Daniélou, prises en Inde dans les années 30 à 50. Parmi les différents aspects de la vie qui y figurent, les photographes laissent la part belle à l’architecture et aux temples. Le Congrès du monde, publié par l’Editeur de Beaux Livres, Franco Maria Ricci, laisse la parole à Daniélou en contre point de la pensée de Borgès. Si le thème du livre est le monde, c’est aussi et obligatoirement l’art, pour les Hindous. Daniélou y expose une géographie du sacré qui se superpose à la géographie intérieure, et qui est à la base de toute création artistique.